Dendromité, respirer avec l'arbre, film
Dendromité, "en intimité avec l'arbre": c'est un néologisme isu de la racine grecque dendro : de l'arbre, et d’intimité. Montage en collaboration avec Gabrielle Reiner, musique : Jean-Michel Ponty. Production Light Cone. Distribué par Light Cone et le Collectif Jeune Cinéma.
Les arbres et les humains respirent ensemble dans l’air. L’idée a été inspirée par les protocoles scientifiques d’étude de la respiration des troncs utilisant des «chambres de mesure». Le mot chambre est ici intéressant puisqu’il s’agit, pour le projet artistique, de se retrouver en contact privilégié avec l’arbre.
Ainsi, dans une structure géodésique transparente entourant un tronc, la respiration de l’humain peut se mêler de manière intime à celle de l’arbre. Un protocole inédit a été mis au point afin de visualiser ces respirations croisées, matérialisés par des flux de CO2. Une caméra infra-rouge à objectif refroidi, utilisée
pour la détection des fuites de gaz dans les industries (caméra FLIR GF 343), a été ici détournée de son application première, afin de réussir à saisir la légèreté du «souffle» de l’arbre, très ténu comparé à celui de l’humain. Sa visualisation très fugace montre la fragilité de cette inter-relation et sa préciosité.
Le film sonore présente un rituel étrange et intime entre deux êtres vivants.
Emanuele Coccia, parlant de son livre "La vie des plantes, une métaphysique du mélange" en 2018 sur Télérama : " Si on regarde bien, les plantes sont partout : pas seulement devant nous, transfigurées dans nos aliments, sur nos chaises et nos tables, dans le corps des animaux qui nous entourent et qui les ont mangés, dans l'air que nous respirons. Ils sont partout aussi, et surtout dans tout ce que nous savons du monde. Ce que nous ne réalisons pas, c'est à quel point les plantes soutiennent, nourrissent et façonnent notre connaissance du monde. De l'agriculture à la pharmacopée, les plantes ne façonnent pas seulement le monde et la culture zoologiquement spécifique de l'espèce animale humaine : elles sont surtout le support par lequel nous percevons le monde, nous le connaissons, nous nous y orientons. C'est là le défi majeur de ce livre : lorsque nous regardons les plantes, nous ne nous limitons pas à observer une simple collection d'objets, un meuble aléatoire de l'univers parmi la série infinie de choses, d'êtres vivants, d'événements et de ruines qui peuplent notre monde. Regarder les plantes signifie regarder ce contenu spécifique du monde qui l'a fait et le rend constamment possible. Parler des plantes, c'est parler de l'origine de notre monde, de son perpétuel commencement, qui se répète à chaque instant, en chaque lieu du globe. Parler des plantes, c'est saisir le premier souffle de l'univers, c'est nommer le lieu où tout commence à respirer. Il en a toujours été ainsi : déjà dans les plus anciens documents de notre civilisation, parler des plantes signifiait saisir les caractéristiques fondamentales de notre univers."