duo avec un peuplier
Contrairement aux humains adultes, les arbres continuent de grandir, de synthétiser la biomasse qui s'accumule dans leurs troncs et leurs branches.Les cernes de leur tronc révèlent comment les arbres ont, de manière très asymétrique, ajusté leur production de bois pour s'adapter à une inclinaison permanente. L'évolution a choisi deux stratégies principales pour permettre aux arbres penchés de faire face à leur situation mécanique inconfortable. Les feuillus développent des tissus en amont des fibres du tronc, capables de tirer comme des haubans, tandis que les résineux développent des fibres en aval du tronc, capables de pousser comme des cylindres hydrauliques, et tentent de redresser lentement la tige, jour après jour. Ce sont des tropismes : ils orientent leur croissance en réponse à des facteurs extérieurs.
Comment se comporte un arbre quand il ne lui reste que la perception de la gravité et la proprioception ?
Au PIAF, en collaboration avec le centre spatial de Toulouse, une sphère pouvant être fermée et éclairée à 360 degrés, c'est-à-dire avec une lumière isotrope, a été développée afin de tester la microgravité sur des plantes. Cet outil est conçu pour mettre les plantes en microgravité, en faisant tourner lentement leur pot sur lui-même. Lors des premiers tests, les scientifiques du PIAF ont découvert que les plantes ont une perception de leur propre forme, comme nous. Elles peuvent percevoir la limite de leur corps - ce sens est appelé proprioception - ce qui les amène à moduler la courbure de leurs axes et à les faire se redresser.
Lorsque j'ai vu cette sphère, j'ai souhaité l'utiliser sur une longue période, et Eric Badel a lancé un protocole pour faire évoluer un peuplier pendant un mois dans cette sphère. Une expérience de longue inclinaison avec un peuplier, éclairé à 360 degrés, en juin 2019.
Émilie Pouzet, m'a expliqué que les notions de proprioception et de gravité faisaient partie de plusieurs méthodologies utilisées en danse contemporaine, autour des micromouvements. J'ai eu l'idée de faire un duo dansé entre un humain et une plante à partir de l'expérience dans la sphère. Pour l'interprète, c'est une tâche presque impossible, car notre structure corporelle est évidemment différente de celle d'un jeune arbre. Nous avons répété à partir des images tournées dans la sphère pour faire une sorte de phytomorphisme : l'humain essaie ici de reproduire les mouvements de la plante.
Il faut se projeter mentalement dans ce mouvement, entrer dans un autre temps, car une séquence de mouvements effectuée par le corps humain en 4 minutes environ pour le film Vertimus, durait plus de deux semaines pour la plante, à raison d'une image toutes les 30 minutes.
La conscience des limites du corps est partagée par la plante et l'humain, et permet aux deux êtres d'équilibrer toutes ses parties dans la récupération. Ce qui est montré côte à côte est un duo dansé à la même échelle.