Tourner, se transformer, tendre vers…
Le projet a pour volonté de donner de nouvelles clés de lecture du vivant aux citoyens afin de développer une forme d’empathie avec le monde végétal qui nous entoure et ainsi appréhender notre environnement avec un nouveau regard. Les installations artistiques sont accompagnées d’ateliers pour tous les publics dans lesquels sont expérimentées des pratiques corporelles, mais aussi des ateliers de découverte et de pratique artistique inspirées des protocoles scientifiques.
Qu’est ce qu’un projet art et sciences ?
Ce n’est pas un champ mais bien un état collaboratif, un acte de collaborations. Gilles Deleuze, dans Pourparlers, évoque le postulat de chaque discipline : Le scientifique pour les fonctions, l’art pour le sensible, la philosophie pour les concepts.
Et pourtant aucune discipline ne l’emporte sur l’autre et c’est là le point de rencontre intéressant. Celui qui va créer un univers commun, un socle de pensées.
Le Studio Décalé s’inscrit dans cette démarche et s’intéresse à ces collaborations parce qu’elles génèrent un nouveau rapport au monde.
Nous avions rencontré le laboratoire de l’INRA/PIAF par l’entremise d’un autre projet artistique autour du végétal. Il m’a semblé évident de leur présenter l’artiste Karine Bonneval.
Il est de bon ton aujourd’hui de parler de végétal, d’évoquer les arbres et nos relations avec eux, mais Karine travaille ce sujet depuis plus de 20 ans. Ses travaux ne sont pas « tendances » ni opportunistes mais réfléchis, induits par une pensée créatrice féconde. Le végétal est au cœur de sa création.
Tout d’abord elle s’est intéressée à la plante colonisée, à la plante objet. Puis elle a dépassé ce statut de plante domestique pour s’intéresser à la plante comme être vivant en souhaitant dépasser ce concept de la métaphysique imposée depuis toujours par la philosophie occidentale pour un nouveau statut : la plante comme un être vivant à part entière et des humains faisant partie d’un éco-système, pas au centre mais avec.
Ce nouveau postulat invite l’artiste à revisiter notre rapport au végétal, à imaginer de nouvelles empathies.
La collaboration avec d’autres champs comme le scientifique et l’artistique prend alors tout son sens. Elle permet de revisiter nos acquis, notre socle culturel, elle nous bouscule parce qu’elle interroge et qu’elle fait naitre de nouvelles façons de penser et de faire.
De cette collaboration avec PIAF en sont nées d’autres car Karine est une artiste-araignée, une artiste-rhizome. Elle tisse des toiles, crée des liens avec d’autres scientifiques en France et à l’étranger, des philosophes, d’autres artistes.
« Des jeux de ficelles » pour emprunter à Donna Haraway sa définition.
Penser écosophiquement
Le projet Vertimus qu’elle a proposé à Eric Badel, chercheur au laboratoire INRA-PIAF, est né de ses réflexions et échanges avec la philosophe Karen Houle.
Karen Houle a exploré la question de la communications des plantes et aussi le concept de devenir-plante de Deleuze et Guattari. Karen Houle a développé ainsi une nouvelle pensée éthique qui a largement impacté les pratiques de Karine Bonneval. Karen Houle présente au sein de Vertimus des performances issues de son travail philosophique mais aussi poétique. Karine et Karen continuent d'échanger et de se nourrir de ses échanges.
Vertimus est un projet rhizomatique.
Un projet qui allie plusieurs projets artistiques, plusieurs collaborations scientifiques, c’est comme cela que nous le souhaitons, tissé de plusieurs disciplines, de rencontres afin d’imaginer de nouvelles relations entre les êtres vivants.
Karine Bonneval s’attache à travailler avec d’autres, d’interroger la science par le biais des chercheurs qui l’accompagnent sur un projet, une idée, ou au long cours.
Ce site se veut une documentation d’un projet art et sciences, mais est avant tout un projet artistique.
Mais il n’oublie pas de valoriser le travail de l’artiste qui reste essentiel. Il ne s’agit en aucun cas de vulgarisation scientifique mais bien d’un projet artistique qui par son postulat de dépasser nos manières de penser, collabore avec les scientifiques, collabore avec d’autres artistes pour se questionner elle-même, questionner le monde et tenter de nous apporter des réponses ou bien d’autres questions.
Karine Bonneval a une esthétique née du vernaculaire, elle utilise la céramique, tisse des tapis et interroge le contemporain par les formes qu’elle crée et qu’elle nous donne à voir et à pratiquer. C’est une artiste contemporaine par son exploration incessante, ses collaborations croisées.
Peut être est elle une nouvelle exploratrice de ce 21eme siècle poussée par un désir de connaissance mais ayant totalement évacué le désir de colonisation.
Ce site vous permet de naviguer entre les œuvres créées et de suivre les projets scientifiques avec le processus à l’œuvre et les dialogues entre l’artiste et les scientifiques. Les autres collaborations artistiques sont aussi présentées.
Ce site est à plier, déplier, replier.
Natacha Duviquet